Par André Fauteux
L’été n’est pas seulement la joie des fontaines, c’est aussi celle de la baignade. À condition que le plaisir ne devienne pas torture à cause du méchant chlore. Voici quelques «solutions» de remplacement.
Pendant 10 ans, les Bergeron de Montréal ont purifié l'eau de leur piscine creusée avec du chlore. Dès la première année, l'eczéma de leur fils aîné, Étienne-Olivier, s'est aggravé. «Il devait toujours se rincer en sortant de la piscine, sinon sa peau devenait comme celle d'un crapaud, relate sa mère, la pharmacienne Huguette Bergeron. Il a développé une sensibilité au chlore, notamment à celui contenu dans le détergent à vaisselle».
L'année dernière, les Bergeron se sont procuré un appareil à l'ozone, un puissant oxydant produit par une lampe à ultraviolets. Depuis, l'eczéma d'Étienne-Olivier est sous contrôle, et l’entretien de la piscine se fait plus facilement, explique Mme Bergeron. «Nous ne mettons du chlore dans l'eau qu'une fois par semaine plutôt qu'aux deux ou trois jours. L'eau ne sent et ne goûte ni le chlore ni l'ozone. Personne ne subit d'irritation de la peau et des yeux, et les maillots de bains ne sont plus blanchis».
Au pays, c'est la folie des piscines: les ventes de modèles hors terre et creusés ont bondi de 47,2 millions de dollars en 1993 à 84,5 millions en 1997, estime Statistique Canada. Tout le monde et son voisin en achètent une, mais peu de gens prennent le temps de l'entretenir selon les règles de l'art. Pourtant, un test quotidien de chlore et de pH ne demande que cinq minutes! Et plusieurs en ont marre des inconvénients liés à l’utilisation du chlore. Il existe une gamme de systèmes alternatifs, mais sachez que les plus fiables, de même que le bon service après-vente, ne sont pas les moins chers. Seule exception: Crystalline H2O. Il s’agit de granules de sulfate de cuivre, qui remplacent l'acide muriatique ou un autre algicide mais pas le chlore qui est un bactéricide.
«Les gens qui en ont les moyens optent souvent pour le système à l'ozone, car il est le plus simple d'utilisation», explique M. Claude Darnet, président de la compagnie montréalaise Aqua ressouces. «C'est un plug and play: on le branche, et il n'y a ni calibrage ni entretien nécessaires. Il faut cependant continuer de mettre une tasse de chlore par semaine, le soir après la baignade. On obtient ainsi un résidu de chlore de 0,5 ppm qui brûlera les algues et les bactéries mortes».
Depuis 12 ans, M. Darnet fabrique et vend un système d'ionisation composé d'électrodes libérant, sous impulsion électrique, des ions de cuivre, qui agissent comme algicide, et d'argent, qui sont bactériostatiques.
«Je préfère ce système à l'ozone, explique Claude Darnet, car il laisse des résidus de cuivre et d'argent, et l'eau reste beaucoup plus douce qu'avec le chlore. Cet ionisateur (à ne pas confondre avec ceux qui purifient l'air) est simple d'utilisation: il suffit de le calibrer en début de saison et de nettoyer ses électrodes aux trois ou quatre semaines, en les frottant avec une brosse à dents sous le robinet».
Santé Canada exige qu'un résidu de 0,6 ppm (parties par million) de chlore soit toujours présent dans l'eau de piscine et que le pH soit maintenu entre 7,2 et 7,9. On obtient ce dernier en versant dans l'eau de l'acide muriatique ou des kilos de bicarbonate de soude quasiment tous les jours. «J'ai beau le recommander à mes clients, 99% d'entre eux mettent seulement une tasse de chlore par semaine et rien d'autre».
Malgré le puissant lobby des fébriles marchands de produits chimiques, l'ionisateur cuivre et argent Aqua ressources est utilisé par une vingtaine de cégeps, dont ceux de Lévis-Lauzon, de Chicoutimi et de Rivière-du-Loup, depuis huit à 10 ans. Quant au fameux Village des sports de Valcartier, ce système lui a permis de réduire de 80% la consommation de produits chimiques dans sa piscine à vagues.
M. Darnet a adapté son système afin d'éliminer la bactérie Legionnella pneumophilia, parfois mortelle, dans les tuyaux d'eau chaude de plusieurs hôpitaux. «Anti produits chimiques» depuis toujours, il vient de vendre ses droits de fabrication pour l'Europe et les États-Unis à des fabricants... de produits chimiques! «Ils vont se faire des couilles en or, dit-il, car les fabricants européens doivent éliminer 60% de tous les produits chimiques dans l'eau potable d'ici 2001».
L'autre système intéressant que nous avons déniché convertit le sel en chlore liquide par électrolyse (passage d'un courant électrique). Fabriqué en Floride, le Lectranator est vendu au Canada depuis 1984. «Environ 97% des systèmes
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installés fonctionnent encore», relate fièrement son distributeur québécois, Patrick Lajoie, président de la compagnie Bélisle Aquasolutions. Ce genre de système domine le marché australien de la piscine. Après avoir neutralisé les bactéries et les algues, le chlore redevient sel, et le cycle recommence dans la cellule électrolytique. L'eau a un léger goût de sel et non de chlore, et l'entretien demande peu d'effort. Il faut faire un test d'eau une fois par semaine et ce système permet aux propriétaires de s'absenter deux semaines sans que la piscine ne devienne verte.
Lectranator exige 115 kg de sel la première année et de 22 à 45 kg les années suivantes. Le sel remplace le chlore et les algicides mais pas les produits chimiques contrôlant la dureté, l'alcalinité et le pH. Toutefois, le Lectranator maintient ce dernier à un niveau remarquablement stable. «Un pH équilibré assure le confort des baigneurs et réduit les dépenses en produits chimiques en maximisant la capacité désinfectante du chlore, précise M. Lajoie. En somme, il n'y a aucun système miracle: la qualité de l'eau dépend toujours de l'entretien qu'on y consacre».
L'année dernière, 69 enfants ont été hospitalisés à la suite d'un accident survenu à la piscine Le Prato, à Montréal. Par erreur, de l'acide muriatique est entré en contact avec du chlore, libérant des gaz toxiques. Depuis des années, ce genre de drame incite de plus en plus de gens à bouder sinon à bannir le chlore des piscines.
Excellent bactéricide, le chlore sauve des milliers de vies par année, car il évite des dysenteries en rendant l'eau potable. Mais, en se combinant à la matière organique, il chlore génère des sous-produits toxiques appelés trihalométhanes, dont le fameux chloroforme, désormais reconnu cancérigène pour le côlon et la vessie.
Le chlore présente également un danger pour les maniaques des piscines. En 1994, un chercheur de Vancouver, Jim Potts, rédigeait une thèse de doctorat inédite: il a constaté qu'un nageur de compétition sur quatre fait régulièrement une bronchite et qu'un sur cinq est asthmatique. Pourtant, 71% ne souffraient pas d’asthme avant de se baigner régulièrement dans l'eau chlorée. Le taux d'asthme est de 10% chez les nageurs occasionnels, comparativement à 5% dans la population adulte générale.
«On croit avoir trouvé la cause probable en mesurant les chloramines, un mélange d'ammoniac (provenant de peaux mortes, d'urine et de sueur) et de chlore, explique Tom Kosatsky, médecin à la Direction de la santé publique de Montréal-Centre. C'est ironique, car la natation est un exercice recommandé pour être en bonne santé»!
Ce problème ne se présente toutefois que dans une minorité de piscines. «Ça dépend du nombre de baigneurs et de la qualité de l'entretien, explique le Dr Kosatsky. Il y a très peu d'études là-dessus, mais on suppose qu'il y a moins de cas d'asthme là où on utilise moins de chlore. Par contre, même si on va vers les solutions de rechange, il faut garder un très bon contrôle du débit organique, notamment en filtrant l'eau, en limitant le nombre de baigneurs et en exigeant qu'ils se douchent».
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Au lieu de vous baigner dans une piscine de métal ou de béton remplie d'eau chlorée, pourquoi ne pas aménager un étang naturel, filtré par des plantes aquatiques? Le conseiller technologique Peter Kettenbeil en a aménagé plusieurs depuis 15 ans, collaborant notamment avec les experts du Jardin botanique de Montréal. «Il est possible de créer des oeuvres magnifiques, dit-il. Si vous le désirez, vous pourrez même y élever des truites qui partageront vos baignades».
Le principe, fort simple, est expliqué dans un superbe livre franco-allemand sur la maison écologique, Éco-Logis, la maison à vivre. Tout est mis en place pour empêcher l'eutrophisation tuant les plans d'eau. En bref, la première moitié du bassin doit avoir au moins deux mètres de profondeur, ce qui empêchera la prolifération d'algues et d'autres végétaux tels les nénuphars blancs; l'autre moitié, peu profonde et séparée par une digue perméable (de gravier, par exemple), agira comme station d'épuration naturelle de l'eau. L'action antibactérienne des racines de joncs, de roseaux d'iris et d’autres plantes aquatiques maintient la pureté de l'eau en privant les algues d'apports nutritifs. Une pompe puissante permet l’indispensable renouvellement d'eau, tandis qu'un aspirateur débarrasse le fond de la boue qui s'y accumule. Si le sol n'est pas assez argileux, des professionnels installeront une membrane d'étanchéité en caoutchouc ou en polyéthylène. Le plus merveilleux, c'est que la piscine naturelle ne dégage aucune odeur désagréable, ne requiert aucun entretien et qu’elle coûte moins cher qu'une piscine traditionnelle. Le seul hic: pour contrôler les coliformes, streptocoques et autres bactéries provenant notamment des excréments d'animaux, votre étang aura toujours besoin d'un peu de chlore.
Le chauffe-piscine solaire est le moins dispendieux sur le marché, car il n'entraîne aucun coût d'opération ni d'entretien. Fabriqué en Israël, le système Heliocol est utilisé sous toutes les latitudes, de la Floride à la Norvège, depuis 1977. La superficie nécessaire des panneaux équivaut à la moitié de celle de la piscine. On installe habituellement les panneaux sur une pente de toit orientée franc sud; la pompe de la piscine permet d’y acheminer l’eau, qui retourne au bassin par gravité. En haussant la température de l'eau de 3 à 6 °C par jour ensoleillé, et de 1° à 2 °C par jour nuageux, on peut doubler la saison de baignade, qui s'étendra ainsi de la mi-mai à la mi-septembre. Le système Heliocol est vendu depuis 10 ans par Heliocol Canada, une compagnie de ville Saint-Laurent, sur l’île de Montréal.
Cette compagnie offre aussi une solution de rechange pratique à l'encombrante toile solaire. Il s'agit d'un liquide naturel, non toxique, à base de plantes. Flottant à la surface de l'eau, il réduit efficacement les pertes de chaleur par évaporation, qui passent ainsi de 90% en temps normal à 55%. Le produit est inséré dans une enveloppe de plastique en forme de poisson (on l'appelle d'ailleurs le «poisson tropical»), munie d'un petit tube qu'on n'a qu'à couper pour que se libère le liquide sous simple pression de l'eau.
Aqua ressources inc.: (514) 529-4333; www.dsuper.net/~aqua3c/
Bélisle Aquasolutions: 1 800 433-0590.
Crystalline H2O: (450) 669-4430.
Heliocol: 1 888 357-6527 ou (514) 335-1876.
Peter Kettenbeil, expert en aménagement d'étangs naturels: (514) 453-5629.
Éco-Logis, la maison à vivre, Revue Öko Test, Éditions Könemann, 1998.